L’ORDRE AFRICAIN ET LE DEFI DE LA SECURISATION DU CONTINENT : ACTIONS ENTREPRISES, IMPACTS.

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Dans la logique de la subsidiarité qui prévaut lors des initiatives multilatérales de résolution des crises dans le monde, la sécurité dans le cas du continent africain, depuis l’érection d’un ordre régional sur le continent, relève des prérogatives de l’Union Africaine. Toutefois, l’organisation régionale, depuis sa création, peine à imposer son autorité sur le continent comme en atteste son incapacité à prévenir ou à faire usage de la coercition contre les cas de tentative, ou de flagrant délit d’entorse aux constitutions entreprises au Burkina-Faso, Burundi, Congo, RDC, Rwanda… Pour le cas burundais, la défiance faite à l’organisation par les gouvernants,[1] contribue à s’interroger sur la légitimité d’une organisation manifestement incapable d’assumer son rôle de garant de la sécurité sur le continent. Ce déficit d’autorité de l’organisation régionale, symbolise une fragilité de l’ordre régional africain, toujours en phase de consolidation. Toutefois, il ne doit pas occulter les initiatives sécuritaires qui sont les siennes depuis la période des indépendances. Malgré ses limites, l’ordre régional africain a toujours manifesté depuis sa création, un volontarisme qui s’exprime à travers les multiples actions aussi bien dans la prévention, que dans la résolution des multiples conflits auxquels l’Afrique a été confronté. En dépit des multiples critiques qu’elle subit, l’organisation régionale tente, tant bien que mal, de jouer son rôle d’organe d’une gouvernance supranationale sur le continent. Notre analyse a ainsi pour objectif de faire un inventaire d’ordre chronologique, des initiatives d’ordre en quête de consolidation : Une première étape axée sur la période de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), et une seconde qui s’intéressera aux initiatives entreprises depuis la création de l’Union Africaine (UA).

I : Les initiatives de sécurisation entreprises.

A : La période de l’Organisation de l’Unité Africaine

Créée en pleine période euphorique des indépendances, et dans un contexte de l’émergence d’une identité panafricaniste, l’Organisation de l’Unité Africaine avait parmi ses objectifs, la sécurité sur le continent.[2] Elle tentera d’assumer ce rôle à travers des actions reparties sur deux axes : Sur le plan institutionnel dans un premier temps, par la création en son sein, d’une commission de défense. Cette commission avait pour objectif de permettre une harmonisation des politiques de défense et de sécurité des Etats membres afin de pouvoir prévenir et gérer les conflits sur le continent. Dans un second temps, elle s’impliquera dans la résolution des conflits sur le continent par la méthode pacifique, conformément à l’article II de sa charte. Dans un continent en proie à de multiples conflits, elle s’illustrera durant les trois décennies années de son existence, par son combat contre l’apartheid, puis par une implication dans la résolution des conflits en Rhodésie du Sud (1965-1980), au Tchad (par l’envoi d’une force panafricaine ad hoc de paix composée de 3000 soldats en 1981) et au Rwanda (avec un groupe d’observateurs militaires neutres de 1991 à 1993.) Au cours de cette année 1993, l’organisation, qui entame son auto critique, fait le constat de la fragilité de son dispositif institutionnel de sécurité (la commission de défense). En effet, ce dispositif, légitimé par une simple affirmation politique d’harmonisation des politiques de défense des Etats, a montré des limites qui se situent dans le domaine opérationnel : « le bilan de la commission de défense, cité à l’article 20 de la charte qui prévoit d’harmoniser au niveau des ministères, les politiques de défense et de sécurité des Etats membres, est limité. De fait, la commission n’a cessé de de se réunir et de présenter une cascade de projets : création d’un haut commandement unifié pour l’Afrique (Accra, 2 novembre 1963), constitution d’une force africaine de défense (Freetown, 4 février 1965) et d’une académie militaire africaine (Conakry 21 janvier 1974). Autant de résolutions qui n’ont été suivies d’aucun effet, mais la commission ne se décourageait pas pour autant ».[3] En conséquence, elle décide, à la faveur de la conférence du Caire tenue du 28 au 30 juin de la même année, de se doter d’un outil institutionnel plus efficace. Le Mécanisme pour la Prévention, la Gestion et le Règlement des Conflits (MPGRC), créé à cette occasion, en constituera la structure opérationnelle. Il s’agit désormais de mettre l’accent sur la diplomatie préventive et le déploiement de missions civiles et militaires d’observation et de vérification de taille et de durée limitées. Ce mécanisme sera renforcé en 1996 grâce à la création d’un centre de gestion des conflits dont l’un des objectifs est la prévention.

Cette métamorphose opérationnelle permettra à l’organisation de pouvoir augmenter sa capacité d’action. A partir de 1993 l’Organisation sera très active dans la résolution des conflits sur le continent : Au Burundi (avec une mission de paix), au Comores et en Centrafrique.

Malgré ce volontarisme affiché, elle ne parvint toujours pas à assumer le rôle de garant de la sécurité sur le continent. Plusieurs raisons justifient cette situation. On peut en citer, parmi elles, les suivants :

  • Une limite organisationnelle et juridique :

Cette situation ne lui permettait pas d’intervenir dans le cas des conflits internes : « conformément à sa charte, notamment au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat, et de son droit inaliénable à une existence indépendante, l’OUA ne pouvait aller loin dans ses bonnes intentions ».[4] Les conséquences de la bipolarité sur le continent, ont aussi contribué à cette situation, ainsi que le ressortent Samuel Makinda et Wafula Okumu, qui axent leur analyse sur les conséquences des rivalités Est-Ouest sur le continent, durant cette période. Les échecs rencontrés dans les tentatives de résolution des conflits en Afrique résultent de leur point de vue, des manœuvres de chacun des deux camps sur le continent, ce qui ne correspond pas aux préoccupations des populations locales : «« When external agents resolve African problems, the solutions often reflect not just the interests, but also the identities, of these agents. Therefore, it was not surprising that during the cold war, African security problems were frequently interpreted in terms of the US-Soviet competition. This applied to most wars and conflicts, irrespective of the nature of the local identity issues and interests behind them. In other words, the global East-West competition often dictated the way African conflicts were resolved, whether they stemmed from boundary disputes the marginalization of some ethnic groups or ideological differences. For example, the Shaba uprisings in the Democratic Republic of Congo in 1977 and 1978 were not understood in terms of bad governance under president Mobutu Sese Seko and the interests and identity of the people of Shaba province. Instead, they were addressed in terms of how the United States and the Soviet Union and their respective allies would gain or lose influence ».[5]

  • Un contexte historique défavorable :

Liées à une volonté des territoires colonisés de s’émanciper de la tutelle des ex-colonisateurs, les indépendances en Afrique ont eu pour conséquence, l’émergence d’Etats modernes avec un cadre légal-rationnel, mais sans bases ni repères. La création de l’OUA dans ce contexte d’Etats en construction, que seul un discours démagogique anticolonial légitimait, fera de cette organisation, une initiative inopportune. Elle a ainsi été victime de déficits d’ordres institutionnel, financier et politique, qui contribuèrent à ses échecs dans plusieurs cas de gestion de conflits : « dans des crises et des conflits externes ou internes, l’OUA ne joua jamais un rôle notable à fortiori déterminant. Seuls les conflits de Rhodésie du Sud (1965-1980) et la dénonciation de l’apartheid lui conféraient un semblant de cohérence… Ni les guerres d’Angola et du Mozambique à partir du milieu des années soixante-dix, ni celle de l’Afrique orientale et de la corne dans les années quatre-vingt (Ouganda Ethiopie Somalie) ne permirent une unité de point de vue… Après les bouleversements des années 1989-1991, l’OUA ne parvint pas non plus à s’entendre ni à agir lors du génocide du Rwanda ».[6]

  • L’émergence de nouvelles formes du désordre.

Alors que durant la période de la bipolarité, les conflits étaient de nature interne, la période post-bipolarité, sur le plan sécuritaire, a vu émerger de nouvelles formes de menaces que sont le terrorisme, les trafics de drogue, la cyber criminalité, la piraterie maritime… Sur le continent africain, ces menaces d’un nouveau type viendront agrandir la liste des défis auxquels l’organisation doit faire face, mais qu’elle ne peut remédier. Au vu de toutes ces limites, les gouvernants africains prirent la décision de donner une nouvelle impulsion à l’ordre africain. Cela se matérialisera par le remplacement de l’organisation par une structure plus adaptée aux enjeux sécuritaires et besoins du continent.

B : La période de l’Union Africaine :

La fin de la bipolarisation a entraîné des transformations systémiques sur le continent. Cela est dû non seulement à l’émergence de nouveaux acteurs dans la scène mondiale, mais aussi par l’arrivée des nouvelles formes d’insécurité citées plus haut. L’Organisation de l’Unité Africaine, jugée inapte pour faire face aux nouveaux enjeux de la sécurité, sera ainsi remplacée par l’Union Africaine en 2002 Durban, organisation dont les prérogatives sont similaires à celles de l’OUA : La stabilisation et la sécurisation du continent.[7] Toutefois, dans un souci d’efficacité, celle-ci opère une refondation de la charte à trois niveaux : le juridique, le niveau institutionnel et le niveau des partenariats.

Le niveau juridique : La reforme à ce niveau a consisté, dans son premier point, en l’adoption d’un cadre juridique légitimant le devoir d’intervenir de l’organisation dans les affaires intérieures des Etats, dans certaines situations politiques : crimes de guerre et contre l’humanité, génocides, violations des libertés individuelles ou collectives, des principes démocratiques….  Le second point de cette réforme définit les mesures coercitives contre les Etats coupables de ces actes : suspension de l’organisation, et application d’une diplomatie coercitive : sanctions (diplomatiques, militaires et économiques, sportives…), et usage possible de la violence  contre les régimes illégitimes.

Le niveau institutionnel : Incarnée par l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (AAPS), la reforme dans ce champ consiste en l’érection d’un organe décisionnel qui est le Conseil de Paix et de Sécurité, (CPS). Cette structure assume le rôle de garant de la sécurité sur le continent. Elle preste également dans les domaines de la prévention et du règlement des différends.  Dans le de registre  prévention des différends, le conseil dispose d’une structure qui est le Système Continental d’Alerte Rapide (SCAR). Cette structure a un rôle de veille sur la situation sécuritaire du continent, afin de permettre au conseil de pouvoir anticiper. Ainsi, le SCAR, dans un souci d’efficacité, dispose de cellules régionaux pour chacune des cinq organisations sous régionales du continent.

En dehors du système continental d’alerte rapide, le conseil de paix et de sécurité dispose d’un autre organe qui est le Conseil des Sages (CS). Ce conseil assure un rôle de conseil pour dans Les missions de paix : déploiement de troupes, envoi d’observateurs…

Enfin, à ces organes s’ajoute  le président de la commission exécutive de l’organisation. Celui-ci peut jouer pour le compte de l’Union, des missions de médiations, de bons offices, de communication…

    L’autre registre du champ institutionnel concerne l’aspect opérationnel : il a consisté en la création d’une Force Africaine en Attente (FAA) dans le cas des opérations de paix, ainsi que d’un Comité d’Etat-Major (CEM), composé d’élites militaires des pays membres, et chargé de gérer la coordination et la réalisation des opérations des forces en attente.

Le niveau des partenariats : Le premier axe de cette activité a consisté en la mise en place de meilleures conditions pratiques de la subsidiarité sur le continent. Chaque organisation sous-régionale, pour plus d’efficacité dans les opérations de paix, doit disposer d’une Brigade en Attente (BA) pour les interventions, d’un dépôt logistique et d’un État-major de Brigade (EMB) pour le commandement, et l’organisation pratique de ces opérations. Le second volet concerne le renforcement des partenariats avec l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Union Européenne (UE). Le renforcement du partenariat avec l’ONU traduit la volonté de cette dernière de renforcer la subsidiarité entre elle et les organisations régionales définie dans le chapitre VIII de la charte. Pour le cas de la relation avec l’Union Africaine, il s’agit, dans une première étape, d’une plus grande collaboration entre le conseil de paix et de sécurité de l’UA et le conseil de sécurité de l’ONU ainsi qu’entre les organes paix et sécurité des deux organisations. Dans une seconde étape, il s’agit d’une optimisation des capacités opérationnelles de l’UA : création d’une force conjointe ONU-UA,[8] financement de troupes africaines sous mandat ONU, renforcement des capacités de personnel militaire dans les opérations de paix, aide logistique…

Le partenariat avec l’Union Européenne est la suite du partenariat pour le développement entre l’organisation africaine et cette organisation, entamé formellement dès 1996. Son aspect sécuritaire concerne la coopération dans les champs de la prévention et de la résolution des conflits et le maintien de la paix, dans le cadre global de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD). Cette coopération prendra un cadre formel avec des objectifs clairement définis qui sont les suivants : « priorité accordée à la prévention des conflits et aux instruments non militaires ; appropriation et prédominance des acteurs africains eux-mêmes dans la prévention, la gestion et la résolution des crises ; assistance pour créer des capacités africaines de prévention et de gestion des conflits à travers les organisations régionales et sous régionales ».[9] Depuis le premier sommet UE-UA au Caire en 2000, le volet sécuritaire entre ces deux ordres a connu une évolution notamment grâce à la mise en place de coopérations militaires,[10] et un soutien financier aux initiatives dans ce domaine, entreprises par l’Union Africaine. Ainsi, lors du sommet UE-UA en 2003 à Maputo, a été mise en place une facilité ayant pour rôle de financer les initiatives de l’Union Africaine pour la paix sur le continent. Il s’agissait dans les faits, « de soutenir les opérations de paix entreprises par l’U.A ainsi que la mise en place des structures et institutions de l’organisation dans le domaine du maintien de la paix ».[11]Cette initiative sera soutenue dans la durée pour un montant global de 300 millions d’euros.

En plus les partenariats avec les organisations internationales, l’Union Africaine a développé des liens stratégiques avec certains pays dans le domaine sécuritaire. Ces relations, comme avec les partenariats avec les organisations internationales, sont aussi axées principalement sur le renforcement des capacités dans le maintien de la paix. Il s’agit de la France, avec le Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP), de l’Angleterre avec l’African Conflict Prevention Pool (ACPP), des Etats-Unis d’Amérique avec l’Africa Contingency Oeprations for Trainind and Assistance (ACOTA), et de la Chine avec le cinquième volet du nouveau partenariat stratégique sino-africain. Mis en place en 2012, ce nouveau partenariat entre la Chine et le continent africain couvre les sphères économiques et financières mais également le domaine de la sécurité sur le continent africain grâce à l’Initiative du Partenariat de Coopération Chine-Afrique pour la Paix et la Sécurité. L’objectif de ce partenariat pour la Chine, selon son président est « d’approfondir sa coopération avec l’UA et les pays africains dans les domaines de la paix et de la sécurité en Afrique, fournir un soutien financier aux opérations de maintien de la paix de l’UA sur le continent africain et à l’édification des forces africaines en attente, et former pour l’UA plus d’officiels chargés des affaires de la paix et de la sécurité et plus d’agents de maintien de la paix ».[12]

Cette entreprise de refondation de l’ordre africain, a permis la réalisation de plusieurs actions. L’Union Africaine a ainsi pu intervenir dans la prévention et la résolution des crises (Côte d’Ivoire, Togo, Guinée). De même, elle a permis de restaurer l’ordre constitutionnel dans certains pays (Mali, Togo, Guinée), rétablir l’ordre territorial de pays en proie à des sécessions (Comores) et de participer à l’organisation d’élections dans plusieurs pays (Côte d’Ivoire, Mali, Algérie, Burkina Faso…). Enfin, elle a fait d’énormes progrès dans le domaine du maintien de la paix par l’avènement des troupes africaines. Ces dernières s’impliquent dans des conflits (Darfour, Somalie, Burundi, Comores…), et accompagnent l’aspect sécuritaire des processus de sortie de crise (Côte d’Ivoire, Mali, Guinée…).

En somme, grâce à ces différentes actions de l’organisation, on peut parler d’une tendance à l’appropriation[13] de la gestion de la paix sur le continent par le premier acteur légitime de la sécurité sur le continent. Toutefois, des difficultés dans plusieurs axes de la prestation entravent cet élan de l’ordre.

II : les difficultés rencontrées

Elles se manifestent dans plusieurs champs dont les principaux sont :

  • Les difficultés financières :

Étant déjà dans une situation précaire au regard à son budget de fonctionnement insuffisant et la multiplication des conflits et leurs coûts en gestion, l’Union Africaine vit une autre réalité qui est le non-respect des engagements financiers de la part des États membres. Par exemple, « seuls 27 des 53 États membres de l’UA étaient à jour de leur cotisation annuelle en janvier 2009, des retards de paiement qui sont à l’origine de la situation financière désastreuse de l’organisation et qui créent les conditions de sa dépendance vis-à-vis des donateurs extérieurs ».[14] De cette double réalité résulte son incapacité à financer les missions, ce qui l’oblige à faire appel à l’aide extérieure incertaine.

  • Les difficultés logistiques :

Conséquences des difficultés financières, cette difficulté constitue un handicap très important dans la mesure où elle ne permet pas une efficacité dans les opérations, voire une impossibilité de réaliser ces Operations. Cette réalité a pour conséquence, de retarder ou de limiter les interventions de l’Union dans des situations de menaces : On a ainsi assisté à la progression de la menace terroriste dans la zone sahélienne du continent, que l’intervention des pays occidentaux a permis de freiner : la crise malienne et l’opération Serval[15] ainsi que la crise en Centrafrique par l’opération Sangaris.[16]

  • L’omniprésence des ex-puissances occidentales sur le continent :

L’Afrique, champ des rivalités économiques des grandes puissances dans leurs luttes pour la sécurisation de leurs approvisionnements en matières premières ? Volonté des ex- colonisateurs de conserver des zones d’influence sur le continent ? Action désintéressée ayant juste pour objectif de contribuer à la stabilisation du continent africain ? Stratégies de conquêtes de potentiels débouchés pour les économies occidentales ? Œuvre liée à la volonté impérialiste d’instauration de l’ordre démocratique mondial ? L’implication des puissances occidentales dans le champ de la résolution des conflits sur le continent soulève plusieurs inquiétudes quant à leurs fins réelles mais surtout, quant à leurs conséquences sur l’image de l’organisation sur le continent qui s’illustre à deux niveaux :

Une perpétuation de l’ingérence du monde occidental dans les affaires africaines qui se traduit par une « situation de dépendance des Africains dont tout déploiement de troupes est conditionné par le soutien militaire, logistique et financier que lui offrira la communauté internationale. De ce fait, les pays donateurs sont en mesure d’influencer le choix des crises dans lesquelles les ‘’solutions africaines’’ sont privilégiées, mais aussi la composition, le mandat ou la durée des opérations déployées ».[17] L’intervention occidentale lors de la crise libyenne en constitue une illustration, en ayant été décidée et orchestrée hors du continent africain.

  • Les jeux de puissances et les rivalités au sein de l’institution :

Ce registre concerne les multiples tensions entre pays rivaux désireux chacun, d’avoir le contrôle l’organisation. Cette situation se traduit très souvent, au niveau des prestations, soit par l’inexistence d’actes concrets à l’issue des sommets (le sommet des chefs d’États de l’Union tenu à Accra en 2006 fut un échec à cause de la volonté (à laquelle elle est parvenue) de la Libye d’imposer ses choix au niveau continental) soit par le tâtonnement de l’organisation dans ses actions de résolution de certains conflits dans le continent, à cause des rivalités de certains pays membres qui s’illustrent au sein de l’organisation (le cas de la crise ivoirienne en constitue une illustration. En effet, la rivalité entre le Nigeria et l’Afrique du Sud, liée à leurs prétentions diplomatiques sur le continent, a ainsi eu des répercussions sur la clarté des décisions de l’organisation dans ce conflit.[18]

  • Des armées africaines inadaptées :

Ainsi que le conflit malien l’a démontré, les armées africaines semblent de plus en plus inadaptées aux nouvelles variations de leur prestation pour l’intégrité territoriale. Cette situation, souvent justifiée par l’asymétrie des conflits et les nouvelles formes d’insécurité auxquelles elles ne sont pas préparées,[19] entraine l’implication de troupes des pays occidentaux : Centrafrique, Côte d’Ivoire, Mali.

                Dans son analyse sur le régionalisme africain, Amandine Gnanguênon parle de sa particularité qui est que celui-ci se construit dans la conflictualité[20]. La persistance des conflits dans le continent constitue de son point de vue, une mise à l’épreuve pour l’ordre africain qui, en même temps qu’elle entreprend des actions sécuritaires, se construit à travers ces conflits.  Cette approche légitime les actions entreprises par les deux organisations sécuritaires africaines, et justifie leurs limites. Malgré la volonté politique affirmée d’une consolidation du régionalisme, grâce à une intensification et une variation des initiatives de sécurisation, l’impact de ces actions n’est pas conforme à la réalité espérée, et illustre la situation d’un ordre qui se construit à travers ses prestations dans les multiples conflits. Dans cette logique, il développe de plus en plus, outre ses actions sécuritaires, une autre approche,  privilégiant l’approche préventive comme méthode sécuritaire : la négociation.


[1] La volonté de l’Union Africaine d’envoyer des troupes sur le territoire burundais a été rejetée par les gouvernants burundais, lesquels menaçaient de faire usage de la force contre n’importe quelle force étrangère sur le territoire. Cette menace a entrainé un recul de la part de l’organisation. Voir pour plus de détails URL suivant : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/12/30/burundi-nkurunziza-menace-de-s-opposer-par-la-force-a-une-intervention-de-l-union-africaine_4839919_3212.html

[2]  Ainsi que l’affirme l’article III de la charte

[3]  Ducrey Gérard, l’Union africaine et le pacte de non-agression et de défense commune : contribution à l’étude du nouveau système de sécurité africain, p263

[4]  Bi Ntoungou Jean Delors, les politiques africaines de paix et de sécurité, p26

[5]  Makinda Samuel and Okumu Wafula, op cit, p79-80

[6] Garcin Thierry, les grandes questions internationales depuis la chute du mur de Berlin, p383

[7]  Dans le point F de l’article III de la charte

[8]  On peut citer comme exemple, les forces hybrides UA-ONU au Darfour

[9]  Nivet Benjamin, « relation entre l’UE et l’Afrique subsaharienne dans les domaines de la sécurité et de la défense », revue de défense nationale, juin 2010, n°731, p69

[10]  Les  opérations  Amani Africa et Eurorecamp

[11]  Nivet Benjamin, op cit, p72

[12]  http://fr.cntv.cn/20120719/111089.shtml

[13]  Esmenjaud Romain et Benedikt Franke, « Qui s’est approprié la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique ? »,  Revue internationale et stratégique, 2009/3 n° 75, p. 37-46

[14]   Esmenjaud Romain et Benedikt Franke, op cit, p44

[15]  Opération militaire menée entre 2013 et 2014 au Mali dans le but de soutenir l’armée de ce pays dans sa tentative de repousser une offensive de grande envergure lancée par les troupes islamistes dans la région nord du pays

[16]  Force d’interposition de l’armée française  sous mandat ONU grâce à la résolution 2127 du conseil de sécurité de l’ONU lors de la troisième phase du conflit civil centrafricain en 2013.

[17]  Esmenjaud Romain et Benedick Frank, op cit, p42

[18] Pour plus de détails sur les manifestations de cette rivalité durant la crise, voir Vincent Darracq, « Jeux de puissance en Afrique : le Nigeria et l’Afrique du Sud face à la crise ivoirienne », Politique étrangère 2011/2 (Eté), pp 361-374.  Aussi disponible sur URL suivant : http://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2011-2-page-361.htm

[19]  On peut citer là le groupe islamiste Boko haram qui a mis en déroute l’armée nigériane et dont l’éradication a entrainé une opération militaire conjointe   du Nigeria et du Cameroun, du Tchad et  du Niger ainsi qu’une collaboration technologique d’armées de pays occidentaux.

[20] Gnanguênon Amandine, La gestion des « systèmes de conflits » en Afrique subsaharienne : concept et pratique d’un multilatéralisme régionalisé, thèse de doctorat de science politique, université Clermont-Ferrand, 2010

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